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Un premier pas vers une administration numérique plus inclusive

De nombreux citoyens peinent à utiliser des outils numériques, surtout lors de la réalisation de démarches administratives en ligne. Pour mieux comprendre leurs difficultés et faciliter l'utilisation des outils, une équipe composée de membres issus de différents SPF a mené une recherche donnant la parole au public cible.

Comment cela a commencé ?

Depuis 2020, l’équipe de transformation numérique du SPF BOSA investit dans la recherche utilisateur afin d’aider les administrations à améliorer leurs services, pour et avec le citoyen. Le SPF BOSA a par exemple alloué des ressources pour monter une équipe transversale composée de représentants de MyMinfin, du SPF finances, d’e-Box et de CSAM. Leur mission est d’explorer l’inclusion numérique dans le contexte de l’administration.

Pour Coline, l’intérêt de cette collaboration réside d’abord dans la forme privilégiée du partenariat.

La Covid a rapidement souligné l'importance de disposer d'un service en ligne accessible à tous. L'étude et l'exécution des actions place donc l'inclusion numérique en tête de nos projets.
Coline Francois
Chef de projet chez SPF Finances

Le projet s’est déroulé en quatre grandes étapes. Une première étape consistait à faire le point des études universitaires existantes sur le thème de l’inclusion numérique en prévision de la deuxième étape, celle des entretiens avec les citoyens. Ces entretiens ont permis d'identifier les utilisateurs confrontés à l’exclusion numérique afin qu'ils nous partagent leurs expériences concrètes.

Étape 1: Études existantes, que savons-nous déjà?

L'analyse des études existantes a permis à l’équipe de mieux cerner le public concerné. Des directives bien spécifiques ont été suivies afin de composer un groupe cible hétéroclite.

L’équipe a tenu compte des trois principes de l’exclusion numérique pour atteindre le citoyen et le préparer à l'enquête.

  1. Les facteurs humains : qui sont les citoyens concernés ?
  2. Les facteurs contextuels : quels contextes favorisent l’exclusion ?
  3. Les facteurs temporels : quand l’exclusion se manifeste-t-elle ?

Les facteurs humains

Qui sont les citoyens concernés ?

L’exclusion numérique n’est pas propre qu'à une partie distincte de la population ; elle ne touche pas uniquement les séniors ou les personnes illettrées, la réalité est plus nuancée. L’exclusion numérique dépend d'une combinaison de variables à risques auxquelles toute la population est exposée. Une personne peut ainsi être très à l’aise avec la technologie numérique, mais avoir des difficultés à comprendre une procédure. À l’inverse, une autre ayant moins de compétences informatiques mais qui connaît les procédures administratives comme sa poche aura moins de mal à remplir ses formulaires en ligne.

Les facteurs de risques les plus importants de l'exclusion numérique sont :

  • Ressources personnelles : difficultés à comprendre les langues nationales, limitations physiques ou mentales…
  • Ressources sociales : avoir un cercle social très restreint, ne pas savoir à qui demander de l'aide…
  • Relation avec le numérique : ne pas avoir accès au matériel adéquat, ne disposer que sporadiquement d'une connexion…
  • Relation avec l’administration : ne pas connaître les étapes des procédures, manquer des connaissances de base…

Les participants sélectionnés rencontraient tous plusieurs difficultés dans une combinaison de ces variables.

Variable 1: Ressources personnelles – la personne ne parle aucune des langues nationales. Variable 2: Ressources sociales – la personne est bien intégrée dans son quartier et peut demander de l’aide. Variable 3: Relation avec le numérique – la personne ne dispose que d’un smartphone pour faire ses démarches. Variable 4: Relation avec l’administration – la personne est familière aux démarches habituelles.
Critères de recrutement, facteurs humains

Pour cette première recherche sur le sujet, nous avons décidé de ne pas prendre en compte les profils extrêmes comme les personnes sans abri, les personnes sans aucune connaissance informatique ou les personnes qui ne maîtrisent aucune langue nationale. Ces profils nécessitent une recherche plus poussée car les difficultés numériques et administratives auxquelles ils sont confrontés sont souvent liées à des enjeux sociaux ou exigent un encadrement plus spécifique.

Les facteurs contextuels

Quels sont les facteurs contextuels qui favorisent l’exclusion ?

Des situations de vie différentes peuvent compliquer l’usage de la technologie numérique. Une personne accompagnée d’un tuteur qui doit remplir un formulaire pour la première fois après son arrivée en Belgique n’aura pas la même expérience qu’une mère de famille responsable des démarches administratives de son foyer ; pourtant, toutes deux peuvent rencontrer des difficultés.

Afin de rendre cette première recherche la plus concrète possible pour les administrations parties prenantes, nous avons privilégié les cas d’usage les plus répandus et avons mis l’accent sur :

  • les personnes en contact régulier avec les services publics
  • les personnes relativement autonomes
En haut de l'image, une échelle horizontale avec à l'extrême gauche les « personnes dépendantes » et à l'extrême droite les « personnes indépendantes ». Un curseur est positionné sur la droite. En dessous, sur une autre échelle horizontale avec à l'extrême gauche « beaucoup de contact avec l'administration » et à droite « peu de contact avec l'administration ». Le curseur est positionné sur la gauche.
Critères de recrutement, facteurs contextuels

Les facteurs temporels

Quand l’exclusion se manifeste-t-elle ?

L’exclusion peut varier selon le moment où elle a lieu. Il peut s'agir de

  • l'exclusion permanente : J'ai d’un handicap moteur ou mental.
  • l'exclusion temporaire : Je ne maîtrise pas bien la langue du formulaire.
  • l'exclusion situationnelle : Je suis sous pression car cette démarche est cruciale pour moi.

La recherche s’est focalisée sur les personnes en situation d’exclusion permanente et temporaire, car la résolution de ces facteurs précis permettra aussi d’avoir un impact sur les exclusions situationnelles.

Sur l'image, trois échelles de temps. Celle de gauche est accompagnée du mot «situationnelle» et un curseur placé à droite indique qu'il s'agit d'un instant précis dans le temps. Celle du milieu affiche deux curseurs et le mot «temporaire», elle indique qu'il s'agit d'un moment conséquent dans le temps. Celle de droite est accompagnée du mot «permanente», et un curseur positionné sur l’ensemble de l’échelle indique que la situation est permanente.
Critères de recrutement, facteurs temporels

À la rencontre des citoyens exposés à un risque d'exclusion.

L'objectif des entretiens était d'avoir un aperçu de la situation des citoyens confrontés à des difficultés numériques. En les interrogeant au sujet de leurs expériences, l'équipe a pu récolter des informations sur leur quotidien, les points de frictions rencontrés, les raisons de ces blocages et la manière dont ils recherchent des solutions.

Initialement, l’équipe souhaitait rencontrer les usagers en personne et se servir des plateformes en guise de support de discussion afin d'aborder la manière dont elles sont utilisées. En raison de la pandémie de Covid-19, l’équipe s'est retrouvée contrainte de revoir son approche en s'entretenant avec les participants par téléphone ou par appel vidéo quand ils se sentaient suffisamment à l’aise.

Chaque entretien était structuré de la même façon :

  • Présentation de la personne : pour en savoir plus sur son environnement de vie.
  • La relation avec les aidants : comment et pourquoi demande-t-elle de l’aide ?
  • La relation avec l’administration : comment aborde-t-elle les tâches administratives en général ?
  • La relation avec le numérique : à quel point ses connaissances et son expérience sont-elles exhaustives ?
  • Évolution des besoins : comment s’adaptent-elle à la numérisation des services ?
La recherche du SPF BOSA sur l'inclusion numérique m'a permis de me mettre à la place des citoyens et de changer de perspective.
Coline Francois
Chef de projet chez SPF Finances

Approfondir les connaissances sur les groupes cible en consultant des experts du terrain

Pour compléter sa représentation des problèmes rencontrés par les citoyens, l’équipe a décidé de consulter quelques experts qui proposent une aide et un soutien structurés directement au public en difficulté.

En navigant sur différentes plateformes, ils ont pu identifier les éléments qui favorisent le risque d’exclusion.

Plusieurs leçons peuvent être tirées de ces entretiens :

  • Parvenir à se connecter sur la plateforme reste le premier grand obstacle
  • Rien ne remplace l’aide en personne
  • Le smartphone doit être le point de départ
  • Il est indispensable que le langage soit accessible et soutenu par un support visuel
  • Les conseils doivent être personnalisés
  • Des accompagnateurs doivent être formés pour assurer une assistance multidisciplinaire

Ces informations collectées au cours de l'enquête auprès des citoyens ont permis à l'équipe d'en savoir plus sur les ressources pouvant être mises à disposition de ceux qui peinent avec le numérique. Il s'agit aussi d'un pas vers la création et la consolidation d’un réseau d'assistance autour de l’inclusion numérique en Belgique.

Définition des enjeux majeurs à relever. Comment améliorer l’écosystème des plateformes administratives? Trois ordinateurs portables connectés par des flèches, chacun représente une plateforme: CSAM en orange, e-BOX en bleu foncé et MyMinfin en bleu clair. Les trois étapes sont: d'abord revoir les parcours administratifs et les transitions entre les plateformes, puis identifier les risques et les opportunités, et enfin croiser les besoins et les opportunités des utilisateurs et des accompagnateurs experts.
L’approche du projet

Des points d'attention au passage à l'action

Après avoir récolté ces informations auprès des citoyens et des experts du terrain, l’équipe projet s'est lancée dans la définition de plans d’action. Comment aborder les enjeux que rencontrent les citoyens en difficulté ? Quel rôle peut jouer l’administration, comment peut-elle mettre en place des solutions et quels impacts peuvent être attendus ?

Lors de sessions de co-création, l’équipe a défini des idées qui pourraient répondre aux difficultés de l’inclusion numérique. Le but était de définir ensemble :

  • la faisabilité des idées par rapport aux moyens et au temps de réalisation
  • les risques et les opportunités qu’elles peuvent impliquer pour chaque acteur administratif

Neufs points d'action clés plus ou moins complexes à mettre en place sont ressortis de cette session.

Une liste de 9 concepts de numérisation: Un: convaincre des avantages du numérique. Deux: simplifier le niveau d’information. Trois: faciliter les premiers pas. Quatre: rassurer pendant le processus. Cinq: avoir accès à de l’aide immédiate. Six: amener de la cohérence entre les plateformes. Sept: encapaciter les agents. Huit: apprendre par les pairs. Neuf: s’appuyer sur le réseau d’acteurs existant.
Les neuf concepts identifiés avec l’équipe

Un des points d’amélioration est par exemple d’atteindre une véritable cohérence entre les plateformes pour que les utilisateurs puissent les reconnaître et s'y repérer plus facilement. Une façon d’atteindre simplement cette cohérence serait d’utiliser les mêmes icônes sur tous les sites web. Une idée plus ambitieuse serait de monter une véritable bibliothèque de composants, ou « design system », utilisable par toutes les plateformes. La région Flamande l'illustre bien avec un exemple inspirant : l’univers web propose des éléments communs permettant de communiquer de manière uniforme, tout en gardant l’indépendance des produits.

Une capture d’écran avec le titre «Amener de la cohérence entre les plateformes», une brève introduction, et trois idées. Premièrement, utiliser la même bannière .be partout. Deuxièmement, avoir un langage visuel et un vocabulaire similaire cross-touchpoints. Troisièmement, se baser sur une bibliothèque de référence commune («design system»). Les deux derniers sont complexes à implémenter.
Référence pour le concept : exemple de carte concept, de ces déclinaisons et des potentiels risques identifiés.
Une capture d’écran d’univers Web du Gouvernement flamand, un exemple de «design system». C’est la page «Demarrer».
Référence pour le concept : amener de la cohérence entre les plateformes

Quelles sont les prochaines étapes ?

Au SPF Finances, l’inclusion numérique reste un point prioritaire. Coline et son équipe sont en train d'y travailler. Pour renforcer le soutien interne du programme, ils investissent leurs efforts dans une étude plus quantitative dans le but d'estimer les bénéfices directs de certaines actions.

L’équipe de transformation du SPF BOSA continue de développer son rôle de facilitateur d’inclusion numérique en 2021. L'équipe a rédigé une brochure (ou « white paper ») afin de faire de l’inclusion numérique une priorité pour toutes les organisations publiques. Vous pouvez la télécharger ici, pour la partager avec vos collègues et vos décisionnaires.

Vous avez envie d’en savoir plus ? Vous voulez mettre en place un projet ? N’hésitez pas à contacter Lucie Barthlen (lucie.barthlen@bosa.fgov.be).

Participant(s)

Lucie Barthlen
SPF BOSA

Date de publication

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